L’ENSAM est heureuse d’annoncer que Théodore Guuinic, docteur en Architecture et maître de conférences en Histoire et cultures architecturales à l’ENSA Montpellier, est lauréat du prix de thèse « Valois » pour sa thèse: «Faire école en temps de crises. Héritages bâtis et réinvention des modèles à Montpellier et dans le Midi méditerranéen (XVIIIe-XXe siècle)», sous la direction F. Villemur et de T. Verdier (ENSA Montpellier ED58 / Université Paul-Valery Montpellier III, laboratoires LIFAM et IRCL-UMR 5186).
Au terme de huit années de recherche, cette enquête de longue haleine permit de documenter l’histoire de l’enseignement de l’architecture dans le Midi méditerranéen, plus particulièrement à Montpellier, recomposant ainsi sur le temps long l’histoire dont notre école est l’aboutissement, en lien étroit avec l’histoire du patrimoine de notre région.
Le Prix Valois
Placé sous l’égide du Comité d’histoire du ministère de la Culture, le prix de thèse « Valois » distingue des thèses de doctorat pour leur qualité, leur originalité et leur apport essentiel aux politiques culturelles du ministère de la Culture. Quelles que soient les disciplines (droit, littérature, études théâtrales, histoire, sociologie, etc.) et les champs culturels explorés (patrimoines, création, médias et industries culturelles, etc.) ces recherches doivent porter plus largement sur tous les aspects de ces politiques publiques : institutions, professions, socio-économie de la culture, etc. Ces travaux doivent en outre éclairer les politiques ministérielles sur le temps long et aborder les questions d’accès à la culture, de transmission des savoirs et de cohésion sociale, en situant les politiques culturelles dans l’ensemble des politiques publiques en faveur du développement des territoires, y compris avec une dimension comparatiste.
Le jury de l’édition 2023 du prix, présidé par Maryvonne de Saint-Pulgent, présidente du Comité d’histoire du ministère de la Culture, était constitué de 6 personnalités qualifiées dans le champ des politiques culturelles. Pour cette sixième édition, le ministère a reçu comme les années précédentes, un grand nombre de candidatures de très grande qualité, et eut à distinguer « l’excellence de l’excellence ». Les résultats ont été proclamés rue de Valois jeudi 15 février 2024, par Luc Allaire, secrétaire général du ministère de la Culture.
Retrouvez l’annonce sur le site du ministère de la Culture : prix de thèse « Valois »
Résumé de la thèse
Prenant pour objet la transmission du métier d’architecte dans le Midi méditerranéen autour du cas montpelliérain, la thèse s’est d’abord attachée à retracer une suite de pratiques pédagogiques. La découverte et l’analyse de nombreuses archives inédites invita à mettre en lumière cette succession d’enseignements sur la longue durée de leur histoire, de la Révolution à la régionalisation.
Si l’étude s’attacha d’abord à décrire les cadres institutionnels offerts à cet apprentissage du métier, elle mit aussi en évidence les évolutions qui touchèrent ses modalités et ses teneurs sur le plan théorique. Plusieurs ensembles documentaires, d’une ampleur et d’un intérêt rare, permirent d’apprécier finement la nature de ces pédagogies, plus spécialement au cours de plusieurs périodes de crises. Le cas des leçons dispensées à la fin du XVIIIe siècle amena ainsi à explorer l’hypothèse d’un enseignement d’architecture « révolutionnaire ». Plus tard, au cours des XIXe et XXe siècles, d’autres périodes de crises firent l’objet d’une attention particulière, amenant à élargir le cadre de lecture de la thèse à d’autres formes d’« écoles ». Car la formation au métier d’architecte ne s’effectua pas seulement au sein d’établissements scolaires, particulièrement dans cette France méridionale où la transmission des savoirs s’est longtemps maintenue au sein des métiers du bâtiments, notamment dans le giron familial, et où l’accès aux grands établissements parisiens est longtemps resté difficile. Au-delà des seuls enseignements institutionnalisés, l’étude mit ainsi en évidence plusieurs expériences collectives constituant d’autres « écoles de l’architecture », telles que des agences, des chantiers, des voyages, des livres ou encore les monuments antiques propres au Sud de la France. Originales, ces autres « écoles » du métier furent autant lieux de savoirs contribuant à la transmission des connaissances et le rôle de ces autres vecteurs s’avéra particulièrement incontournable aux époques qui précèdent l’apparition du diplôme d’architecte et celle d’un titre protégé. C’est pourquoi l’enquête s’est finalement inscrite au croisement de deux champs : celui de l’histoire de l’enseignement de l’architecture et celui d’une histoire du patrimoine architectural.
Étudiée au sein même de l’exercice du métier, l’influence des monuments antiques permit d’entrevoir une leçon propre à ce contexte méditerranéen : berceau des premières pratiques de restauration monumentale, la région resta au XXe siècle le théâtre d’expériences originales s’enrichissant au contact des avant-gardes artistiques. À la croisée de ces deux phénomènes, la thèse étudia en particulier l’œuvre de l’architecte et restaurateur Jean Sonnier, représentative d’une génération de restaurateurs très active après-guerre dans le Sud-Est de la France, qui eurent en commun d’avoir été formés pendant leur captivité en Allemagne au cours de la Seconde Guerre mondiale. Au fil de cette enquête apparurent ainsi autant de façons de faire école en temps de crise, analysées au prisme d’une circulation des savoirs qui, sur la longue durée, s’est parfois opérée par des voies insoupçonnables.
L’enquête s’interrogea ainsi sur les multiples enseignements dont le Midi méditerranéen constitua une école pour le métier d’architecte. Par là, l’étude visait à nourrir les réflexions qui guideront demain l’action publique pour repenser et refonder les écoles d’architecture, tandis que le métier d’architecte se voit aujourd’hui secoué par de profonds bouleversements.